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En France, très peu de laboratoires proposent du CBT (isolat ou distillat). En revanche, il apparait de temps en temps dans la composition de certains produits bien spécifiques comme le distillat cristal résistant, aux côtés d’autres cannabinoïdes mineurs.
Alors, qu’est-ce que le CBT exactement ? Quels sont ses effets ? A-t-il un quelconque intérêt ?
CBT : définition du cannabitriol
Le CBT appartient à la famille des phytocannabinoïdes. Il fait partie de la centaine de molécules synthétisées en infime quantité dans les fleurs de cannabis. Comme c’est le cas de la plupart des cannabinoïdes mineurs, sa teneur peut considérablement varier d’une variété à l’autre.
Découverte
Le CBT a été découvert en 1966 à l’occasion d’une étude sur les différents composants du chanvre. Il aurait cependant été isolé plus de dix ans plus tard, en 1977. [1] Il fait ensuite une brève réapparition dans la presse scientifique à l’occasion de recherches réalisées sur les cannabinoïdes mineurs et leurs potentielles applications thérapeutiques, dont nous parlerons un peu plus tard dans cet article.
Avant de continuer, il est important de clarifier que le CBT a plusieurs isomères (au moins 9), dont un avec lequel il est souvent confondu sur internet, le CBT-C (cannabicitran), isolé en 1974. Bien qu’évidement proches, ce sont deux molécules différentes. Nous parlons ici uniquement du CBT.
Biochimie
Comme la grande majorité des phytocannabinoïdes, le CBT est synthétisé sous sa forme acide, le CBTa, à partir d’une molécule de CBGa, le cannabinoïde mère.
Il prend sa forme neutre — CBT — grâce au processus de décarboxylation, c’est-à-dire, sous l’effet de la chaleur. Rappelons que ce phénomène, qui commence de manière naturelle avec les rayons du soleil, provoque la perte d’un groupe carboxyle (COOH), menant à la transformation de CBTa en CBT + CO2.
Nous avons lu sur certains blogs [2] que le CBT serait en fait le résultat de la dégradation du cannabichromène (CBC), un autre cannabinoïde mineur. Toutefois, cette information n’est pas scientifiquement sourcée.
D’autre part, nous avons également lu à plusieurs reprises que le CBT serait en fait le résultat de la dégradation du THC. C’est le cas, mais de manière artificielle, grâce à l’intervention de certaines enzymes, utilisées dans le cadre d’une étude.[3] Ceci étant dit, cette information reste intéressante, car elle pourrait ouvrir la voie vers un procédé de synthétisation du CBT.
CBT, proche parent du THC ?
Disons-le sans détours : les informations que l’on a au sujet du CBT sont très lacunaires. Et cela incite, malheureusement, à la divulgation de données erronées. Par exemple, de nombreux articles (non scientifiques) s’accordent à dire que le CBT est un proche parent du THC.
Dans un certain sens, c’est vrai. Ils appartiennent tous deux à la famille des phytocannabinoïdes. Et c’est pour cette raison que leur structure chimique est relativement proche. En effet, la formule chimique simplifiée du CBT est C21H30O3 tandis que celle du THC est C21H30O2.
Toutefois, bien que les deux molécules puissent sembler extrêmement proches, en réalité, elles ne sont pas plus proches entre elles que ne le sont n’importe quels autres cannabinoïdes. Pour rappel, CBD et THC ont la même formule chimique…
Dans certains cas, le parallèle entre CBT et THC va plus loin, et on peut lire ci et là que le CBT provoque, lui aussi, des effets hallucinogènes. Pour autant, les données scientifiques confirment que ce cannabinoïde ne modifie pas l’état de conscience.
Enfin, d’autres écrits expliquent que le CBT est en fait un antagoniste du THC. Autrement dit, il pourrait annuler ses effets psychoactifs. Encore une fois, aucune donnée scientifique ne prouve cette affirmation. Une étude a été réalisée dans le cadre de la recherche d’un “médicament” capable d’annuler les effets du THC. Ce médicament a été testé (il s’agit de catalyseurs spécifiques, non détaillés dans l’étude) avec succès. Le CBT serait simplement le produit de la dégradation (artificielle) du THC. [3]
Propriétés du CBT : quels sont les faits scientifiques ?
Le CBT n’a pas été étudié de manière isolée. Toutefois, étant donné que le rôle des cannabinoïdes mineurs intéressent de plus en plus la sphère scientifique, son nom apparaît dans certains résultats d’études préliminaires.
Intérêt du CBT dans la recherche sur la prévention contre le cancer du sein
Une étude [4], datée de 2020, s’est penchée sur le potentiel thérapeutique de certains cannabinoïdes (plus d’une soixantaine) dans la prévention contre le cancer du sein. Le mécanisme anti-cancérigène étudié est l’inhibition de l’aromatase, une enzyme capable de réduire la taille des tumeurs dépendantes des œstrogènes.
Sur les 61 cannabinoïdes testés pour leur capacité à inhiber l’aromatase, 21 ont montré une activité anti-cancérigène acceptable, et 3 d’entre eux ont été retenus : le CBD-C1 (un isomère du CBD), le CBR (cannabiripsol) et le CBT.
Le CBT, en particulier, semble avoir un effet tout aussi efficace que certains médicaments anticancéreux (androstènedione et fadrozole). Bien que des études supplémentaires concernant le potentiel anticancéreux du CBT soient nécessaires, ces résultats sont très encourageants, concluent les chercheurs de ladite étude.
Pistes de recherches en médecine traditionnelle chinoise
Récemment, des chercheurs japonais ont isolé des molécules de type cannabinoïde d’une variété de Rhododendron utilisée en médecine traditionnelle chinoise [5]. Parmi ces molécules, on trouve le CBT, mais aussi le CBL (cannabicyclol) et le CBC (cannabichromène).
En plus de mettre en évidence le fait que l’on peut trouver des cannabinoïdes ailleurs que dans les fleurs de cannabis, l’étude démontre que le CBT est un inhibiteur d’histamine. Cette activité lui congère, potentiellement, des propriétés anti-allergiques et anti-inflammatoires. Toutefois, une fois n’est pas coutume, des études supplémentaires sont nécessaires afin de confirmer ces observations.
Quel est l’intérêt du CBT pour les utilisateurs ?
Tous les cannabinoïdes ont un intérêt, qu’il soit thérapeutique ou récréatif. Toutefois, malgré les observations encourageantes que nous venons de citer, celui du CBT reste à découvrir.
En effet, comme nous l’avons vu, très peu d’études ont été réalisées à son sujet, et ce que l’on peut lire ci et là ne repose pas toujours sur des faits scientifiques. Par ailleurs, la consommation de CBT de manière isolée (c’es-à-dire, sans la présence d’autres molécules) reste très, très marginale. Il n’y a donc pas assez de retours d’expérience pour construire le profil de ce cannabinoïde.
Quoi qu’il en soit, on peut cependant supposer qu’il participe à l’effet d’entourage. Pour rappel, cette théorie, développée par le Dr Ethan Russo, suggère que les molécules synthétisées dans les fleurs de cannabis agissent en synergie. Autrement dit, les potentielles propriétés thérapeutiques que l’on prête à la plante seraient le résultat d’une action en synergie de l’ensemble de ses cannabinoïdes et de ses terpènes. Et non pas l’œuvre unique du CBD et/ou du THC.
L’intérêt des produits au CBT pour l’utilisateur, s’il y en a un, est donc de celui de pouvoir profiter d’un effet entourage optimal. Nous verrons un peu plus loin que le CBT est, en fait, surtout intéressant pour les fabricants !
Le CBT sur le marché du CBD : perspectives d’évolution
Comme la plupart des cannabinoïdes mineurs, le potentiel thérapeutique du CBT reste, pour l’instant, en suspens. Pour autant, le manque d’études complémentaires constitue rarement un frein dans la commercialisation d’une molécule issue du cannabis.
Le CBT a-t-il pour autant un futur sur le marché du CBD français ? Techniquement, oui. Mais son destin pourrait être très différent à celui d’autres cannabinoïdes mineurs tels que le CBN ou CBG…
Cadre légal
Avant de discuter du “potentiel d’affaires” du CBT, il est important de se pencher quelques instants sur la réglementation. Quelques instants seulement, car, comme le veut la tradition au sein de notre secteur, le CBT est légal faute d’être régulé. Autrement dit, cette molécule ne fait pas encore l’objet d’une réglementation, raison pour laquelle elle est, pour l’instant, légale.
Cependant, étant donné qu’elle ne provoque pas d’effets hallucinogènes et qu’elle est directement issue du cannabis, sans processus de synthèse, on peut s’attendre à ce que le CBT reste légale.
Faisabilité de l’extraction du CBT
L’extraction du CBT est envisageable, dans le sens où la méthode utilisée est similaire à celle employée pour extraire d’autres cannabinoïdes mineurs tels que le CBN ou le CBG. L’extraction au CO2 supercritique, offre, par exemple, cette possibilité.
Quoi qu’il en soit, il faut prendre en compte que le CBT est synthétisé en très faible quantité, plus faibles encore que les cannabinoïdes suscités. Par ailleurs, l’isolement du CBT ne représente, pour l’instant en tout cas, pas de grand intérêt. Ni pour l’utilisateur, ni pour le fabricant.
En revanche, comme nous allons le voir dans le prochain paragraphe, il est intéressant de l’extraire avec d’autres cannabinoïdes mineurs tels que le CBC et le CBL.
Utilisations actuelles du distillat de CBT : un agent anti-cristaux
Connaissez-vous le distillat cristal résistant ? Pour ceux qui froncent les sourcils : il s’agit d’un distillat spécialement formulé pour conserver sa viscosité plus longtemps. En effet, vous n’êtes pas sans savoir que le CBD, au bout d’un certain temps, a tendance à s’agglutiner, formant des cristaux.
Ce phénomène est normal et n’implique pas la dégradation de la qualité du produit. Toutefois, cela peut rebuter l’utilisateur, et être gênant lorsque l’on fabrique des produits destinés à la vape. En effet, les petits cristaux peuvent endommager l’appareil.
Quoi qu’il en soit, il est intéressant de savoir que les distillats résistants aux cristaux contiennent une plus haute concentration en cannabinoïdes mineurs tels que le CBT que les distillats traditionnels. En effet, ils agissent à la manière d’agents anti-cristaux.
En somme, le CBT, de manière isolée, ne semble pas avoir un destin particulièrement épique. En revanche, combiné à d’autres cannabinoïdes mineurs, il participe à améliorer l’utilisation du distillat dans vos produits !
Sources
[1] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/895385/
[2] https://www.gvbbiopharma.com/what-is-cannabicitran-a-cbt-guide/
[3] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/17335216/
[4] Cannabinoid as Potential Aromatase Inhibitor Through Molecular Modeling and Screening for Anti-Cancer Activity, Journal des sciences pharmaceutiques de l’Université de Dahka.
[5] New cannabinoid-like chromane and chromene derivatives from Rhododendron anthopogonoides, PubMed